Impasse


La peau suante des autres, leurs rides écœurantes et leurs yeux qui vomissent d'abjects regards dans les miens me répugnent. La foule qui me touche, toutes ces mains moites et sales qui me frôlent me rebutent assez pour m'empêcher de penser. Les vagues nausées que me produisent leurs visages obscènes m'occupent l'esprit et je ne parviens à réfléchir. Puis le vent se lève, la lumière se couche et je m'éloigne peu à peu de cette masse repoussante et animale dans laquelle je ne respirais à peine, en marchant, presque en courant dans le froid glacial de Janvier. Un sentiment de soulagement, de liberté m'emplit toute entière. Mais le goût de la solitude n'est agréable que quelques instants, c'est elle qui m'enferme dans les pensées qui me détruisent. Et c'est par cet emprisonnement que je suis parvenue à comprendre, à tout comprendre. Je fus prise dans la spirale infernale d'un songe. Ce songe avait le goût amer d'un amour intense mais révolu et d'une amourette impossible, le goût amer du plaisir inaccessible, d'une privation. Je sais maintenant, j'ai compris. Rien ne sert d'espérer retrouver ce que j'ai à peine palpé une seconde, ce que j'ai à peine senti m'effleurer les lèvres. Rien ne sert de chercher. Je ne connaîtrais plus jamais le plaisir, ce plaisir là que j'ai cessé de désirer. Je pourrirais sur des photos jaunies par les années. Je me réduis de l'intérieur, personne ne me libèrera de cette prison qui n'est autre que moi-même, je ne pourrais saisir même la main chimérique qu'un rêve me tendrait. Je n'en ai plus la force. C'est moi qui à tout arrêté toute seule, qui ai tout détruit, qui me suis jetée dans une cage. Je suis condamnée. Je ne peux plus aimer.

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